Wonderland. Une légende pour beaucoup… Un rêve, une chimère que l’on n’évoque qu’à demi-mot, au coin du feu ou au fond d’une sombre impasse. Mais les rumeurs vont et viennent avec le vent, et beaucoup ont au moins une fois entendu parler de ce monde onirique. Des créatures hors du commun arpenteraient ses terres utopiques en compagnie d’êtres fantasques. On raconte qu’il cache mille et une merveilles dans ses palais homériques, ses caves profondes et ses bois enchantés. Un seul de ces trésors rendrait ivre de pouvoir le plus grand des monarques. Mais nul, sur Terre, n’a jamais pu mettre la main dessus… car nul n’a jamais vu Wonderland de ses propres yeux, jusqu’il y a peu. Son nom même demeure inconnu du commun des mortels.

Mais pour certains, le rêve est devenu une réalité. Les portes du Pays des Merveilles se sont ouvertes pour des élus, des êtres humains dispersés dans le monde, autrefois ingénus et ignorants comme vous et moi. Les rêves de ceux-là, chaque nuit ou presque, les conduisent au sein de ce monde monumental qui ne connaît aucune frontière. Leur étrange nature fait qu’ils n’appartiennent ni à Wonderland ni à notre bonne vieille Terre. Ils sont une exception parmi les vivants, des voyageurs du rêve à l’imaginaire sans fin. On dit même qu’ils ne sont pas tout à fait humains…

Parmi eux, deux d’entre eux en particulier ont attiré à eux la considération des habitants de Wonderland. Ils sont connus de tous et toutes ; mais de grandes différences les séparent. Tout en les réunissant malgré eux…
Le premier est une jeune fille tout à fait ordinaire, du moins en apparence. C’est son imagination débordante qui l’a conduit, une seule et unique fois, jusqu’à Wonderland. Connue sous le nom d’Alice, elle est aujourd’hui célébrée pour sa bonté et sa vertu dans tout Wonderland.
Quant au second… Peu de gens osent évoquer son nom sans trembler, tant il inspire la crainte. Ou pour certains, la haine. Il arpente Wonderland depuis un temps indéfinissable et en connaît tous les recoins. A tel point qu’il a décidé d’en faire son terrain de jeu favori…
Le destin singulier de ces deux personnages, si étroitement lié, a peut-être scellé le sort de Wonderland…

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L’histoire d’Alice pourrait commencer par « il était une fois », comme tous les contes. Mais celui-ci ne se termine pas dans le bonheur, au contraire...
Alice était une jolie petite fille née de bonne famille. C’était une enfant douce et bien élevée, qui ne haussait jamais la voix pour exprimer son mécontentement. Du moins, pas au sein de la demeure familiale… Mais entre cours de bonne conduite, leçons de piano et parents intransigeants, la fillette commençait à étouffer. Elle avait besoin d’un refuge, d’un endroit rien qu’à elle. Et la chance de le découvrir s’offrit à elle lorsque par un après-midi ensoleillé, elle aperçut un Lapin blanc portant une montre à gousset. De fil en aiguille, elle en vint à visiter Wonderland et rencontrer la plupart de ses habitants hauts en couleurs. Ce monde était tout simplement merveilleux et qui plus est bien nommé par ses habitants.
Malheureusement, ce doux rêve se termina en cauchemar suite à la rencontre avec la Reine de Cœur. Cette dernière semblait être jalouse de la pureté d’Alice.

Alice se réveilla là où elle avait aperçu le Lapin. Elle grandit ; puis, avec le temps, elle oublia tout de Wonderland. Mais à Wonderland, rien n’était terminé… A cette époque, dans la temporalité de Wonderland, La Reine de Coeur était sur le point de s’emparer des royaumes adjacents au sien. Assoiffée de pouvoir et prête à tout pour l’obtenir, elle faisait couper la tête à quiconque osait contester son autorité. Des milliers d’innocents périrent sous son règne de terreur… Et personne ne semblait en mesure de pouvoir l’arrêter. Pas même son pendant au cœur pur, la Reine Blanche, qui sans l’aide d’Alice, ne pouvait que contempler la désolation que la première laissait derrière elle.

Peu avant qu’elle atteigne l’âge adulte, dans des circonstances plus que mystérieuses, un effroyable incendie ravagea la demeure familiale d’Alice. Son existence paisible et quelque peu morne disparut en même temps que toute sa famille. La jeune fille, ébranlée, devint froide et renfermée, à tel point qu’elle était parfois sujette à des crises d’hystérie. Orpheline et déséquilibrée, elle fut de fait conduite dans l’asile psychiatrique le plus réputé d’Angleterre : l’hôpital Rutledge.
Il était dirigé par le docteur Alec Weaver, qui l’avait créé et en avait fait le meilleur hôpital pour enfant de son époque. Alice n’était pas la première enfant traumatisée à être « prise sous son aile »… Le docteur était jeune et bien qu’il était froid et taciturne, il avait bonne réputation auprès de ses patients.
Mais parmi les enfants de l’hôpital Rutledge, une rumeur circulait. On racontait dans les dortoirs, par les nuits de pleine lune, que des enfants étaient emmenés dans une pièce secrète dans les sous-sols de l’asile. On ne les revoyait jamais.

Il fallait dire que le docteur Weaver cachait bien son jeu. Sous le couvert des diplômes de médecines, il possédait une double-identité. Car il était bel et bien l’un de ceux capables d’entrer et de sortir de Wonderland à leur guise –du moins, en rêve. Contrairement à Alice, jamais il n’avait oublié Wonderland, et avait passé sa vie à développer cet extraordinaire don. Au sein de Wonderland, Alec était plus qu’un simple homme ; il en connaissait tous les secrets et avait été en contact avec la majorité des puissants de ce monde. Là-bas, tout le monde se souvenait de sa rencontre avec l’excentrique Alec Weaver, le Chapelier Fou de Wonderland. Longtemps, il fut respecté et aimé par la plupart des habitants de Wonderland et même son créateur. Mais l’arrivée d’Alice à Rutledge révéla une part de sa personnalité bien plus sournoise et fielleuse que nul n’aurait pu soupçonner…
Au jour de l’inscription d’Alice à l’hôpital, la guerre faisait rage entre les camps Rouge et Blanc. Alec Weaver se contentait d’observer ces conflits de loin. Mais une idée germa rapidement dans son esprit… Si chaque armée était incapable de trouver un terrain d’entente, si personne n’était assez fort pour gouverner Wonderland, alors il le ferait, lui. Et il connaissait le moyen de semer la discorde… le tout, à son profit.
A Rutledge, il convainquit Alice de retourner à Wonderland. Il lui expliqua que la situation était désastreuse et que Wonderland avait besoin d’elle et de ses pouvoirs. Le Pays des Merveilles représentait la seule chance d’Alice de fuir son quotidien bien trop morne à son goût. C’est pourquoi elle accepta. Et partit combattre la Reine de Cœur pour mettre un terme à cette lutte insensée.

Mais malgré tous ses efforts, Wonderland fut entièrement réduit à l'état d'immense champ de bataille, son sol s'abreuvant du sang versé par les soldats des deux camps ennemis. La guerre qui y faisait rage ne connaissait pas de trêve. Combien de temps dura-t-elle ? Nul ne l’a jamais su. Personne, pas même le Chapelier, spectateur silencieux de l'agonie de Wonderland du haut de sa tour, ne pouvait prétendre connaître par avance l'issue de cette bataille. Mais c'est alors, depuis la haute falaise surplombant ce désert où régnait la mort et la désolation, qu'une Corneille apparut. Elle déchira le ciel grisâtre de ses ailes couleur ténèbres, ses yeux perçants crachant leurs flammes vertes, figeant d'effroi même les plus courageux chevaliers envoyés au combat. Elle descendit de la montagne, chacun de ses pas faisant trembler la terre sous ses pieds. S'en suivit le massacre. Dans un élan de colère enragée, la créature éventra, égorgea, piétina, étripa, massacra tout bonnement les braves combattants, tous camps confondus. Lorsque la plaine fut recouverte de sang carmin, la Corneille tourna son regard brillant de haine vers la tour qui s'étendait loin à l'horizon, au milieu des Bois sacrés de Wonderland. Son tour viendrait à lui aussi : ce monarque auto-proclamé paierait autant que les autres, fut-il ou non son amour perdu. Dans un dernier battement d'ailes, la chose quitta les lieux en laissant la terre se repaître du fluide vital qui la maculait.

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Peu de temps après, Alice finit par découvrir la supercherie et le but véritable d’Alec Weaver. Effrayée par l’étrange homme qui s’était servie d’elle, elle chercha à s’enfuir de l’hôpital. Mais celui-ci avait déjà anticipé sa réaction. Et, pendant qu’Alice dormait, il la conduisit discrètement au sous-sol de l’hôpital, là où selon les rumeurs trônait le secret de la disparition des enfants internés. On ne revit jamais la jeune fille. L’affaire ne fit pas grand bruit ; qui se souciait d’elle, depuis qu’elle était orpheline ?
A Wonderland, le Chapelier Fou livra la jeune Alice, enfermée dans un cristal, à la Reine de Cœur. Il espérait ainsi que la Reine, n’ayant aucune idée des pouvoirs que le cœur d’Alice détenait, se contenterait d’exhiber le cristal comme une pièce de musée. Fascinée par la puissance de ce trésor, la Reine de Cœur en oublia la guerre qui s’atténua peu à peu, dévoilant un chaos tel que Wonderland n’en avait jamais connu depuis sa création.

Alice et la Reine hors de combat, Alec Weaver put enfin modeler Wonderland à son image. Le monde, déjà bien endommagé par les conflits successifs, devint le théâtre de démences et d’horreurs macabres. Le paysage, mais aussi ses habitants commencèrent à changer. Alec, aidé d’alliés fidèles comme le Jabberwocky, fit main basse sur les territoires de Wonderland. Certains jugèrent plus sage de se ranger du côté de la cruelle souveraine. D’autres décidèrent de résister à toute forme de despotisme et se joignirent à la Reine Blanche. Enfin, quelque uns approuvèrent la vision du monde du Chapelier Fou et allèrent le trouver dans sa tour. Inutile de dire qu’ils devinrent de simples serviteurs en lieu et place des fiers chevaliers qu’ils avaient espéré être…

Mais d’autres encore, cachés dans les profondeurs de Wonderland, attendaient leur heure, le jour où ils pourraient déchoir ce nouveau roi de son trône…

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Suite à la disparition de la jeune fille, à Londres, un nouveau patient attira l’attention du mystérieux docteur sur lui. Nul à part les médecins ne savait pourquoi ce jeune garçon muet, vêtu comme une fille, avait atterri à Rutledge. Plus étrange encore était le fait qu’il suivit Weaver comme son ombre lorsqu’il en avait la possibilité, son lapin en peluche à la main. Parfois même, il lui arrivait de crocheter la porte de son bureau et de se glisser dans son lit sans un mot, pour n’en sortir qu’à l’aube. Le médecin fit d’abord mine de ne pas tenir compte de cet étrange comportement, mais il finit par s’intéresser au curieux esprit de cet enfant. Et c’est ainsi qu’ils nouèrent de bien drôles de liens…
A la même période, Alec Weaver découvrit la recette universelle qui lui permettrait d’endormir quiconque était relié à son étrange machine. Et son jeune patient, qui au fil du temps, avait réussi à pénétrer ses secrets, se porta volontaire pour tenter l’expérience, en dépit de tous les risques. Bien des enfants avant lui n’avaient pas supporté le voyage… Mais il fallait croire que celui-ci était plus résistant que les autres.

Malheureusement pour le Chapelier Fou, cela pourrait bien avoir signé l’une de ses premières défaites… Car à Wonderland, on raconte qu’une « nouvelle Alice » a fait son apparition. Elle aurait fait la promesse de débarrasser le pays de cet homme dont la folie est allée bien trop loin. Pourquoi ? Pourquoi cet enfant souhaiterait assassiner l’homme auquel il était si attaché ? Bonne question… Toujours est-il que ce garçon, Enjyu Hollow, rassemble les amis autant que les ennemis ; et qui sait ? le destin de Wonderland pourrait bien changer de voie…