Regarde-le bien, ce type maigre et décharné. Regarde-le bien, car lui ne supporte pas son reflet dans le miroir. Pas par dégoût ou complexes futiles, non. C’est autre chose. Mais quoi que ce soit, regarde bien, car ce n’est certainement pas lui qui va te faire un descriptif au poil de fesse près. Trop ennuyeux voyons. Ou plutôt, il s’en tamponne le derrière. D’ailleurs, cette façon d’être se remarque immédiatement dans sa tenue. Loin de l'étrange féminité de son prénom, Ann est du genre débraillé. Très débraillé. Son apparence physique est loin d’être sa priorité absolue, et pour lui, ce n’est pas un beau costume tout propre et impeccablement repassé qui feront de son porteur une personne intéressante ou, au choix, digne de confiance.

Manifestement fâché avec le rasoir, une barbe naissante de deux ou trois jours envahit en permanence ses joues émaciées, et empêche ainsi de mettre son visage pointu en valeur. Et qu’y aurait-il à mettre en valeur de toute façon ? Les traits tirés et les cernes des orbites creuses d’un homme qui n’aurait pas dormi depuis des jours. Des yeux tellement fins et des sourcils pratiquement inexistants donnant l’impression d’un homme aigri, constamment en colère contre tout et rien – Ce n’est d’ailleurs peut-être pas qu’une impression… – Des cheveux coupés à l’arrachée, d’une blondeur terne, semblable à de la paille séchée. Ne cherche pas l’homme élégant là-dessous, il n’y en a pas, et c’est à se demander s’il n’a même jamais existé.

Un visage donc peu avenant au possible. De quoi décourager n’importe qui de se hasarder à lui demander l’heure ou s’il a bien mangé la veille. Même sa peau elle-même y contribue. De par son statut de mort-vivant, son habituelle pâleur se rapproche à présent plus de la couleur grisâtre des cigarettes qui constitue sa drogue quotidienne que du joli rose poupon des nouveaux nés. Hé. Que veux-tu, c’est le désavantage d’avoir un corps fait de chair morte. Tu peux prendre sa place si ça te chante, c’est pas lui qui va s’y opposer. Un corps qui n’a pas besoin de dormir, qui ne souffre pas, qui ne peut pas mourir… Ça a l’air foutrement chouette comme ça, mais au fond, y’a rien de pire.

Ayant toujours été grand et maigre, Ann ne ressemble ni plus ni moins à autre chose qu’un anorexique. Ne reste pas dans le coin quand il se déshabille, car tu aurais l’impression de voir un squelette ambulant. Membres fins, ossature apparente, il donnerait presque l’impression de pouvoir se casser au moindre coup de vent. « Presque », pour la simple raison que les myriades de coupures, petites cicatrices et autres blessures montrent inconsciemment qu’il en a vu d’autres. Forcément, être un zombie veut aussi dire que le corps est incapable de guérir naturellement et de façon optimale. Pratique pour un docteur mmh ?